Damien Loiseau, responsable de la détection nationale à la fédération de tennis de table, était de passage au stage de préparation du tournoi Euro Mini Champ’s. Entretien avec ce découvreur de talents.
Son oeil aiguisé va forcément suivre de près les engagés français, qui seront confrontés à la crème des pongistes européens de moins de 12 ans. L’occasion de livrer sa vision sur la formation des futurs champions de ce sport si particulier, puisque Damien Loiseau est chargé de les repérer et de chapeauter leur formation.
En Alsace, il se déplace en terrain connu puisqu’il a été Conseiller technique régional (CTR) entre 1997 et 2008. L’Euro Mini Champ’s, c’est aussi son bébé.
De passage au stage de préparation à Matzenheim, ce passionné expose sa vision pour le futur du tennis de table français, qui trouvera, selon lui, son moteur dans les échanges internationaux.
« Ce tournoi a réveillé la formation en Europe »
– Un championnat d’Europe pour les moins de 12 ans, c’est plutôt précoce, non ?
– La création du tournoi Euro Mini Champ’s en 2005 était en réponse à l’état du tennis de table mondial : une discipline dominée par les asiatiques, qui ont une culture différente.
Ils commencent bien plus tôt avec plus de volume. On est un sport d’habilité, il faut donc toucher le plus de balle possible et le plus tôt possible. Ceux qui sont sélectionnés ici en équipe de France ont entre dix et onze ans (dont Léa Minni, Félix Lebrun, Valentin Selkkaya, Élise Pujol, Coton) et ont déjà cinq ou six ans de pratique.
– C’est un tournoi européen, mais une délégation japonaise est présente. Pourquoi ?
– Les Japonais sont l’événement de ce tournoi ! (c’est une des deux nations invitées avec les États-Unis ndlr). On sort de quatre ans de partenariat avec la Russie et le programme de détection de la fédération en a lancé un nouveau avec le Japon.
Les Jeux olympiques 2020 sont à Tokyo et ceux de Paris se dérouleront en 2024, c’est forcément intéressant. Nous sommes allés quinze jours en stage au Japon. Eux sont là pour dix-huit jours en Alsace, ce qui fait un mois de travail en commun.
De plus, le Japon est la nation numéro deux en ce moment, derrière la Chine qui reste numéro un, et c’est un pays qui en nombre d’habitants est bien plus comparable à la France que la Chine.
– Quel rôle joue le stage en amont du tournoi ?
– On sait que gagner l’or ici devient de plus en plus compliqué. Chaque année, un Français ramène une victoire durant le tournoi, on sait que ça va s’arrêter un jour, mais tant que cela continue… On est déjà là pour former des joueurs de haut niveau en senior et les confronter aux meilleures nations mondiales. Ça vaut aussi pour les entraîneurs.
– Qu’est ce qui se passe au niveau des entraîneurs ?
– Il n’y a pas de temps formel dédié, mais ils échangent en anglais sur les exercices et l’entraînement.
Au niveau du volume, les Chinois et les Japonais s’entraînent beaucoup plus. Et ce n’est pas ce qu’on essaie de faire. On ne veut pas copier un modèle, mais s’inspirer des autres pour faire une formation à la française.
On a un savoir-faire, à nous de créer quelque chose de différent. Nos joueurs arrivent à maturité plus tardivement. On le sait, mais si on a un champion du monde à 28 ans c’est bien aussi ! On part avec des enfants de 8-10 ans, les meilleurs tiendront par l’amour du jeu, cela ne doit pas devenir un travail.
– Des pronostics pour le tournoi à venir ?
– Félix Lebrun, Nathan Lam et Flavien Coton auront devant eux les Japonais, qui sont de sacrés clients. Mais ils peuvent jouer la médaille. Pour les filles, la concurrence est plus rude, mais Léa Minni, Élise Pujol et Cléa De Stoppeleire, qui sont en Équipe de France, sont capables de créer la surprise. C’est difficile de jauger. Ce n’est pas comme en senior, il n’y a pas de tête de série.
– Comment concrétiser au niveau senior en partant avec des athlètes si jeunes ?
– Il faut avoir de l’ambition, mais il faut aussi relativiser. C’est avant tout une compétition de formation. Sur le poster du tournoi, vous voyez le vainqueur de la première édition, Simon Gauzy, qui est aujourd’hui 12e ou 13e mondial. Certains progressent et d’autres se perdront en route.
– À quel point expérimenter une dimension internationale est important, à 10-11 ans ?
– Nous somme un sport d’apparence mineur mais extrêmement mondialisé. La fédération internationale de tennis de table est celle qui a le plus de fédérations nationales affiliées. Ce qui est positif, mais la concurrence est aussi bien plus rude. Pour l’Euro Mini Champ’s (32 délégations présentes ndlr) et le stage (sept délégations ndlr) c’est une sacrée logistique ! Mais ça fait partie du rêve et ça participe à la notion de plaisir. C’est important pour une carrière à venir.
– Au niveau du budget, on table sur combien ?
– C’est difficile à dire. Le Japon est une nation invitée, nous prenons tout en charge sauf les billets d’avion. Pour six personnes on doit être vers les 5 000 euros. Mais c’est le rôle de la fédération d’investir dans une bonne dynamique.
Le plaisir et le jeu comme moteur- Est-ce que l’Euro Mini Champ’s changé quelque chose au niveau français chez les moins de 12 ans ?
– C’est peut-être un peu prétentieux, mais je pense que ce tournoi a réveillé la formation en Europe. Dès la première édition, trente nations sont venus directement.
On était en retard, et maintenant le niveau en compétition a énormément évolué : gagner est beaucoup plus difficile qu’il y a quinze ans.
Pleins de pays différents émergent. L’année dernière, on a eu un Espagnol en finale, ce qui était totalement inattendu. Tout le monde hausse son niveau de jeu.
Propos recueillis par Jeanne MEYER
Regard du japon
Concentrés, les deux entraîneurs japonais donnent des instructions à leurs protégés qui évoluent parmi la trentaine d’autres petits pongistes. Ils sont arrivés un peu avant le début du stage dans le cadre du partenariat tissé entre leur fédération et celle de la France. Grâce à l’anglais, ils expliquent apprécier ce stage qui leur est très « précieux », notamment parce qu’ils découvrent une autre culture du tennis de table. Ils affirment par exemple que les petits Français s’amusent beaucoup plus à l’entraînement que les Japonais, qui eux sont plus dans un état d’esprit de travail.
Dans l’ensemble, c’est un réel gain d’expérience pour eux et leurs joueurs. Autre élément particulièrement apprécié des Japonais et qui manque chez eux : l’air climatisé dans le gymnase !
Source DNA 24.08.18